DE LA VAPEUR À L'ÉLECTRICITÉ

Les débuts des fabrications électriques

La construction de matériel ferroviaire fut la première activité de l'usine de Belfort de la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques, mais les difficultés économiques avaient amené, dès la fin des années 1880, à y adjoindre d'autres fabrications. Si certaines d'entre elles, comme les machines destinées à l'industrie textile, devaient par la suite disparaître des ateliers belfortains, d'autres allaient s'implanter solidement et durablement. Ainsi, l'opportunité offerte par le développement d'une énergie nouvelle "l'électricité" fournit-elle à l'usine de Belfort d'excellents atouts pour son avenir.

 

Bien qu'encore près de leurs débuts, les applications industrielles de l'électricité avaient pris à cette époque une certaine ampleur et leur avenir prometteur était déjà perceptible aux industriels avisés. À la S.A.C.M. la construction de matériel électrique vint compléter heureusement les autres branches de fabrication notamment celles des moteurs thermiques et des moteurs hydrauliques. Afin d'éviter les tâtonnements et de profiter immédiatement de l'expérience déjà acquise, la Société Alsacienne exploita pour commencer la licence des procédés Siemens et Halske dont la renommée s'était affirmée à l'Exposition d'Électricité de Paris en 1881. 

C'est à Belfort que l'on centralisa la construction du matériel électrique, câbles et machines. On fabriqua tout d'abord des câbles électriques et les premières machines à courant continu appelées dynamos. Pendant les premières années, cette activité s'exerçait dans une partie de l'atelier des locomotives à vapeur. Le nouveau service progressant très rapidement, on fut amené à lui donner son autonomie et à l'installer dans des ateliers distincts. On commença par construire, en 1890, le petit modelage en bordure de l'avenue des Trois Chênes. Mais cet atelier s'avéra très vite trop étroit et un nouveau bâtiment fut édifié en face des Grands Bureaux pour recevoir le modelage, l'emballage et le montage des grosses dynamos, en attendant l'achèvement du grand bâtiment du service Electrique.

 

C'est en 1895 que démarra la construction des machines à courant alternatif. À cette même époque, les premiers alternateurs, les moteurs asynchrones et les transformateurs firent également leur apparition. Les premières machines, tant à courant continu qu'à courant alternatif, trouvèrent un champ d'application étendu dans le fonctionnement des stations centrales, destinées principalement à l'alimentation de réseaux d'éclairage, puis dans le domaine mécanique dès que l'usage du moteur électrique se répandit Il est intéressant de noter que la traction électrique se révéla dès le début un important débouché pour les moteurs à courant continu : équipements de tramways, de locomotives pour mines et usines, de tracteurs de bateaux sur les canaux... Les premiers tramways équipés par la Société Alsacienne furent ceux du Puy en 1895, puis vinrent ceux fournis à Poitiers, Cassel, les Sables d'Olonnes, Pau, Paris, Bourges, Armentières… Belfort.

 

Depuis longtemps la Société Alsacienne se préoccupait de créer de toutes pièces un nouveau type de matériel à la hauteur des progrès de l'électrotechnique. Mis au point aux environs de 1900, il permettait peu après d'abandonner entièrement le matériel Siemens et Halske. À cette époque, le développement extraordinairement rapide des distributions d'énergie électrique et de ses applications donnait un prodigieux essor à la construction du matériel qu'elles utilisaient. Les ateliers primitivement occupés par ces fabrications furent, malgré des agrandissements, bientôt insuffisants. Dès 1898 un programme d'ensemble avait été établi pour la construction de nouveaux ateliers sur les terrains disponibles au nord-ouest de l'usine, où une vaste surface devait en permettre le groupement logique et en faciliter l'extension. En 1900, le premier de ces bâtiments, affecté aux grandes dynamos, était édifié. Il était considérablement agrandi en 1910. Dans le même temps, l'enroulement et le montage des petites dynamos étaient déplacés dans un nouvel atelier à proximité de celui des grandes dynamos.

Atelier d'appareillage électrique*

Les rumeurs d'une guerre tout proche allaient, hélas, se concrétiser et du même coup freiner le développement des fabrications. Dès 1914 et jusqu'à la fin de l'année 1918, l'usine de Belfort participa, avec tous les moyens de production dont elle disposait, aux fournitures de matériel destiné à la défense nationale.

Cet effort fut du reste reconnu par une citation à l'ordre du pays, parue au journal Officiel du 22 février 1919 :

«Le Gouvernement porte à la connaissance du pays la belle conduite du personnel des usines ci-après : 1° Société alsacienne de constructions mécaniques, à Belfort : pour l'attitude calme et disciplinée de tout son personnel, dirigeant et ouvrier, resté à son poste durant les bombardements successifs, exécutant sa tâche avec sang-froid sous l'impulsion énergique et ordonnée de M. Bohn, directeur - général, et obtenant ainsi le maximum de la production du matériel de guerre...».

 

Les constructions interrompues par la guerre reprirent au lendemain de l'armistice. Par la suite les fabrications furent successivement transportées dans de nouveaux ateliers du même groupe de bâtiments : usinage des petites dynamos, fabrication des transformateurs, tôlerie (découpage, poinçonnage et isolation des tôles), tréfilerie de cuivre et préparation des enroulements. De leur côté les ateliers d'appareillage étaient installés dans les bâtiments rendus libres par le retour à Mulhouse de la fabrication des machines textiles. Les fabrications de Belfort couvraient à ce moment les branches suivantes : locomotives, grosse construction mécanique, machines et appareils électriques et câbles électriques.

*L'appareillage électrique est le complément indispensable de toute machine électrique, aussi la S.A.C.M. en a-t-elle dès l'origine abordé la construction en corrélation étroite avec la fabrication de ce type de matériel. En 1919 l'atelier d'appareillage s'installa dans les locaux situés le long de l'avenue des Trois Chênes (bâtiment 1) et laissés vacants par le transfert des fabrications de machines textiles à Mulhouse. A cette époque on y fabriquait, entre autres, les tableaux et pupitres de manœuvre ainsi que l'appareillage qui les composaient (disjoncteurs et sectionneurs à haute tension, disjoncteurs à basse tension, interrupteurs, commandes mécaniques ou électriques à distance, etc.).

Textes : Fernand Lienhard – Michèle Gauthier - Sophie Chamard et Florence Tournier (Relations Extérieures – Alstom Belfort)