DE LA VAPEUR À L'ÉLECTRICITÉ

Une période mouvementée

Dès ses débuts, l'usine de Belfort a su, au travers de ses activités et de ses structures, s'adapter aux fluctuations économiques et participer à l'évolution du monde industriel. Très tôt, elle fut amenée à améliorer et rationaliser ses moyens de production, à choisir les activités d'avenir tout en subissant le contrecoup des événements mondiaux.

 

Le développement des applications de l'électricité fut l'un des facteurs de l'évolution de l'usine. En 1924 on abandonna à Belfort la fabrication des locomotives à vapeur (on en avait livré 1637 ainsi que 630 tenders) pour se consacrer à la construction d'une nouvelle génération de machines, les locomotives électriques, les locomotives diesel-électrique venant par la suite compléter la gamme de fabrication de matériel ferroviaire.

De son côté la fabrication du très gros matériel électrique et mécanique constitua pendant de nombreuses années l'aspect le plus spectaculaire de l'usine. 1928 : ALS-THOM, 1976 : ALSTHOM-ATLANTIQUE, 1989 : GEC ALSTHOM. Ces trois dates ont marqué l'histoire de la société et l'usine de Belfort. Chacune d'elles correspond à un regroupement important des activités avec une société française ou européenne. Des trois "mariages", nous n'évoquerons que le premier. En 1928 la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques et la Compagnie Française pour l'exploitation des procédés THOMSON-HOUSTON fondèrent une filiale commune dont le principal objectif fut avant tout d'ordre industriel, bien que les préoccupations financières n'aient pas été étrangères à ces évolutions. La nouvelle société prit le nom d'ALS-THOM (« ALS » de Alsacienne et « THOM » de Thomson) et se vit confier la construction de matériels électriques et électromécaniques avec mission d'améliorer le rendement, d'abaisser les frais généraux et les prix de revient afin de renforcer la position française face à la concurrence étrangère. La S.A.C.M. apporta, en même temps que la jouissance de l'usine de Belfort, une réputation bien assise et une technique irréprochable.

 

THOMSON apporta les activités de ses usines de Saint-Ouen, Paris (rue Lecourbe), Neuilly-Plaisance, Colombes, Jarville, Lesquin, ainsi que l'appui technique de la General Electric Company des Etats-Unis, la plus puissante affaire mondiale de construction électrique.

Les contacts qui se développèrent entre les deux sociétés, malgré de profondes différences, prirent très vite un caractère quasiment amical, et les échanges auxquels ils donnèrent lieu furent souvent constructifs.

Malheureusement, ce fut à cette époque que les industriels durent affronter la période la plus difficile sur le plan économique. La grande crise, qui avait ébranlé l'économie américaine dès la fin de l'année 1928, atteignit la France. Le personnel de l'usine connut, pour la première fois, le chômage partiel. Bon nombre d'ouvriers et d'employés furent mutés à l'usine Peugeot de Sochaux qui bénéficiait d'une relative stabilité. Les effectifs de l'usine chutèrent spectaculairement passant de 8 800 personnes en 1921 à 4 150 en 1934.

En 1936 les agitations sociales affectèrent gravement la société au moment même où une certaine reprise d'activité se manifestait. La Deuxième Guerre mondiale allait enlever toute illusion aux dirigeants de la société quant à l'espoir de voir enfin se poursuivre le développement normal des activités d'ALS-THOM. Jusqu'en novembre 1944, les ateliers tournèrent sans enthousiasme malgré l'étroite surveillance de l'occupant* qui ne put cependant empêcher plusieurs sabotages destinés à ralentir la production au bénéfice de l'ennemi. Le conflit terminé, le travail reprit sur le rythme accéléré des lendemains de conflits.

À partir de 1945, ALSTHOM participa en premier lieu à l'effort de reconstruction national. Le pays devait à la fois se relever de ses ruines et combler les retards d'équipement occasionnés par la guerre. Les deux domaines principaux dans lesquels travaillait ALSTHOM - la production et la distribution d'énergie et la traction électrique - étaient partout prioritaires. C'est à cette époque qu'ont été équipés les grands fleuves français, souvent avec des machines de fabrication ALSTHOM : Génissiat, Le Chastang, Bollène, Donzère, Malgovert, Serre-Ponçon... Survint aussi, peu après, l'édification des grandes centrales thermiques du palier 100-125 MW pour lequel près de vingt machines furent commandées entre 1946 et 1960 (centrales d'Arrighi, de Creil, de Gennevilliers, de Nantes-Cheviré, de Commines, d'Ansereuilles, de Strasbourg) et du palier 250 MW (Saint-Ouen, Champagne-sur-Oise, Montereau...).

 

En ferroviaire, les Pouvoirs Publics décidèrent un développement substantiel de l'électrification des chemins de fer avec, en premier lieu, la ligne Paris-Lyon, qui exigea à elle seule la fourniture de 145 locomotives. Les effectifs de l'usine ne cessèrent de croître pour atteindre un maximum de 9 365 personnes en 1952. Dès la fin de la guerre, ALSTHOM afficha son savoir et ses ambitions en construisant de nouveaux matériels toujours plus performants et en utilisant souvent des techniques d'avant-garde.

 

*Lors de l'occupation, l'usine était placée sous le contrôle de la société AEG par le gouvernement allemand.

Textes : Fernand Lienhard – Michèle Gauthier - Sophie Chamard et Florence Tournier (Relations Extérieures – Alstom Belfort)